Construits en 1954, la salle de gymnastique et l'ancien cinéma de la Bayard ont été démolis pour faire place au nouveau parking de l'hôpital. Il ne reste désormais que la mémoire des habitants.
Témoignages
Publié en 1978, Je me souviens est un recueil de bribes de souvenirs rassemblés par Georges Pérec entre 1973 et 1977.
Ce Je me souviens à propos de l'ancien cinéma de la Bayard (qui a fonctionné jusqu'en 1986) et la salle de gymnastique est une compilation de souvenirs d'Argentanais. Les montées à la corde
Jennifer Berrier : « Je me souviens de la salle de gym, une seconde maison où les copines se retrouvaient. Les entraîneurs qu'étaient France Belloir, Joël et Jean-Pierre Besnard, Stéphanie, Sylvie, Michelle Coudrin...Merveilleux souvenirs : l'ambiance, l'odeur de la salle, le bruit du chauffage qui se mettait en route, le petit bisou à l'entraîneur en rentrant dans la salle. »
Myriam Marsault : « Je me souviens de Mme Jidouard et tous ces bons moments partagés dans sa petite maison à côté de la salle! Je me souviens des défilés dans Argentan avec nos petites jupes plissées blanches. »
Pierrette Laurent : « Je me souviens de la gym avec Jeannine Jidouard, des spectacles montés avec elle sur la scène du cinéma dans les années 1960. »
Jean-Luc Tabesse : « Je me souviens qu'il faisait très froid l'hiver dans la salle de gym. L'année de mes 16ans, pendant les vacances, avec André Jidouard nous avions monté un plafond suspendu en tubes et en plaques de bois pour isoler. Quelques années plus tard c'était le vin d'honneur de mon mariage! »
Danièle Chesnel : « Je me souviens du justaucorps rouge avec son bel écusson jaune, ainsi que des défilés derrière les majorettes! Au cinéma, je me souviens de la longue file d'attente lors des Gendarmes et les extraterrestres. »
Corinne Béchet : « Je me souviens de la première et dernière fois que j'ai réussi à monter à la corde! »
Manon Bourdet : « Je me souviens qu'il y avait des banquettes de voiture dans les vestiaires, peut-être pas des vraies mais ça y ressemblait ! » Fauteuils en velours rouge
Paul Niphipeix : « Je me souviens des ouvreuses qui nous guidaient avec une lampe de poche vers les rangées disponibles. Fin des années 1960, avec l'école j'y vois L'homme de Rio. Ambiance spéciale avec le projecteur installé dans les derniers rangs, ça fait rêver. »
Lydie Courteille van Brackel : « Je me souviens du 26 novembre 1976 : en regardant Spartacus au cinéma, une histoire a commencé entre Jean-Paul et moi, et ça fait 41ans que ça dure. »
Jean-Paul Alexandre : « Je me souviens être allé voir Ben Hur avec mon père, un dimanche après-midi d'hiver. 3h44 avec un entracte pour changer les bobines... Nous étions arrivés de jour et repartis de nuit! »
Sandrine Marguerie : « Je me souviens, qu'enfant, au cinéma j'attendais l'entracte et la dame qui passait avec son plateau de sucreries... »
Annie Megret : « Je me souviens des pièces de théâtre de Mézeray, notamment Le voyage de M. Perrichon, sous la direction de Mme Lecaplain, jouées par Annette Viel, Marie-Anne Moulin, Pierre Blain et Jean-Charles Boussicaut. Je garde en mémoire l'ambiance de ce théâtre à l'ancienne avec ses fauteuils en velours rouge. Il avait une âme. »
Laetitia : « Je me souviens y avoir passé mon examen du Code de la route en 1989. J'y suis allée avec le collège du Paty (François-Truffaut) pour des séances de cinéma et des représentations de théâtre. Mon père s'y rendait pour regarder les films et s'endormait sur les sièges des premiers rangs, qui devaient être confortables. »
MG Rockband : « Je me souviens que ce fut un des premiers concerts en salle de Madame Guillotine. »
Indolent Solitaire : « Je me souviens avoir embrassé ma voisine pendant La Boum. Je me souviens aussi avoir vu Easy Rider, j'avais triché sur mon âge! »
Ouest France 15 Mai 2017
La salle de la Bayard vit ses dernières semaines
C'est désormais officiel, un parking pour les employés de l'hôpital remplacera bientôt l'ancienne salle, rue de la République. Une page d'histoire se tourne.
Témoignage
À 87 ans, Christian Chappey est la mémoire vivante du cinéma. De l'aventure des salles de la Bayard, il en est l'un des pionniers. Dès son inauguration, en 1954, le mécanicien du garage Renault, futur reporter pour l'ORTF, était de la partie.
« Dès le début, j'étais là. Je suis arrivé pour les prémices, au moment où tout n'était encore qu'éphémère. En fait, j'y suis resté 18 ans ! Une place au coeur du réacteur cinématographique argentanais qu'il doit aux hasards de la vie.Il y avait des placeurs, mais pas de projectionnistes attitrés. On est venu me chercher pour mes compétences. C'est comme ça que je suis devenu projectionniste. »
« Entièrement bénévole »
Une situation bancale qui a failli coûter la fermeture du cinéma. « Un jour, un inspecteur est arrivé pour demander si j'avais un diplôme. Évidemment, je n'en avais pas. Il a indiqué que le cinéma allait être obligé de fermer. Finalement, j'ai passé un diplôme de projectionniste à Caen. »
Tous les week-ends, et ce pendant 18ans, Christian Chappey a enfilé, défilé, filé, coupé, monté, déroulé, positionné des milliers de pellicules. « Je travaillais jusqu'à tard le soir dans ce cinéma, de façon entièrement bénévole. Il n'y avait qu'une seule salle, donc je peux vous dire que les films qui passaient, à force, je les connaissais par coeur. Le jour le plus long, par exemple, je l'ai vu 42 fois de suite. Maintenant, je connais le débarquement par coeur ! »
Avec Christian, une dizaine de bénévoles maintenaient le cinéma en vie. « Il y avait M. Ménager, le directeur du cinéma, avec sa femme. Deux placeuses qui vendaient des glaces, deux contrôleurs à l'entrée, et René et moi dans les cabines de projection. »
« Ça me fait mal de voir ça »
Après tant d'années passées dans les salles obscures, Christian se souvient du soir où il s'est trompé de bobine. « J'en rigole maintenant, mais sur le coup les gens sifflaient dans la salle ! » Alors quand l'ancien bénévole de la Bayard a appris la destruction prochaine du bâtiment, une émotion teintée d'indignation et d'incompréhension l'a submergé.
« Aujourd'hui, ça me fait vraiment mal de voir que le bâtiment va être détruit. Ils pourraient quand même faire autre chose. C'est avant tout une salle de spectacle. Il y a tout ce qu'il faut pour des représentations. L'inclinaison, les sièges, l'écran... » Des souvenirs de douce et réelle nostalgie qui prouvent que le cinéma de la Bayard, même après sa destruction prochaine, n'aura jamais définitivement disparu.
La salle de la Bayard vit ses dernières semaines